3.19.2010

Couchant d'hiver


to Mark Linkous & Alex Chilton

Sparklehorse. Homecoming Queen

Big Star. Holocaust


Quel couchant douloureux nous avons eu ce soir !
Dans les arbres pleurait un vent de désespoir, Abattant du bois mort dans les feuilles rouillées. À travers le lacis des branches dépouillées
Dont l'eau-forte sabrait le ciel bleu-clair et froid, Solitaire et navrant, descendait l'astre-roi. Ô Soleil ! l'autre été, magnifique en ta gloire,
Tu sombrais, radieux comme un grand Saint-Ciboire, Incendiant l'azur ! À présent, nous voyons Un disque safrané, malade, sans rayons, Qui meurt à l'horizon balayé de cinabre, Tout seul, dans un décor poitrinaire et macabre, Colorant faiblement les nuages
La Terre a fait son temps ; ses reins n'en peuvent plus. Et ses pauvres enfants, grêles, chauves et blêmes D'avoir trop médité les éternels problèmes, Grelottants et voûtés sous le poids des foulards Au gaz jaune et mourant des brumeux boulevards, D'un ex
Riant amèrement, quand des femmes enceintes Défilent, étalant leurs ventres et leurs seins, Dans l'orgueil bestial des esclaves divins...

Ouragans inconnus des débâcles finales, Accourez ! déchaînez vos trombes de rafales l Prenez ce globe immonde et poussif ! balayez Sa lèpre de cités et ses fils ennuyés !
Et jetez ses débris sans nom au noir immense ! Et qu'on ne sache rien dans la grande innocence Des soleils éternels, des étoiles d'amour, De ce Cerveau pourri qui fut la Terre, un jour.

Jules Laforgue

3.13.2010

La fuite de la lune



Geoff Mendelson & The Spasmodic Joy: Hello

To outer senses there is peace,
A dreamy peace on either hand,
Deep silence in the shadowy land,
Deep silence where the shadows cease.

Save for a cry that echoes shrill
From some lone bird disconsolate;
A corncrake calling to its mate;
The answer from the misty hill.

And suddenly the moon withdraws
Her sickle from the lightening skies,
And to her sombre cavern flies,
Wrapped in a veil of yellow gauze.

Oscar Wilde

photo: Peter Sutherland

Harmonie du soir




Pantha du Prince / Panda Bear: Stick To My Side (Four Tet version)


Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !

Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.

Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige,
Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir ;
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.

Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige !
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige...
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir !

Charles Baudelaire

3.12.2010

Introduction



Tom Rapp: Fourth Day Of July

Piping down the valleys wild,
Piping songs of pleasant glee,
On a cloud I saw a child,
And he laughing said to me:

'Pipe a song about a Lamb!'
So I piped with merry cheer.
'Piper, pipe that song again.'
So I piped: he wept to hear.

'Drop thy pipe, thy happy pipe;
Sing thy songs of happy cheer!'
So I sung the same again,
While he wept with joy to hear.

'Piper, sit thee down and write
In a book, that all may read.'
So he vanished from my sight;
And I plucked a hollow reed,

And I made a rural pen,
And I stained the water clear,
And I wrote my happy songs
Every child may joy to hear.

William Blake

Enfance




Bonobo: Sleepy Seven

Au jardin des cyprès je filais en rêvant,
Suivant longtemps des yeux les flocons que le vent
Prenait à ma quenouille, ou bien par les allées
Jusqu'au bassin mourant que pleurent les saulaies
Je marchais à pas lents, m'arrêtant aux jasmins,
Me grisant du parfum des lys, tendant les mains
Vers les iris fées gardés par les grenouilles.
Et pour moi les cyprès n'étaient que des quenouilles,
Et mon jardin, un monde où je vivais exprès
Pour y filer un jour les éternels cyprès.

Guillaume Apollinaire

Ne connait pas ses classiques



M. Ward: Fours Hours In Washington


cela fait 3 nuits
ou 3 jours
que je ne dors pas
et le blanc de mes yeux
est tout rouge ;
je ris dans le
miroir,
et je n’ai pas cessé
d’écouter le tic-tac
du réveil
et le gaz
de mon radiateur
diffuse
une odeur lourde,
épaisse et
chaude, parcourue
par le bruit
des voitures,
des voitures suspendues
comme des décorations
dans ma tête, mais
j’ai lu
les classiques
et sur mon divan
dort une pute
imbibée de vin
qui pour la première
fois
a entendu
la 9e de Beethoven,
et lasse,
s’est endormie
en écoutant
poliment.

imagine-toi un peu, papa, a-t-elle dit,
avec ton cerveau
tu pourrais être le premier homme
à copuler
sur la lune.

Charles Bukowski

Ode To Indolence



Radical Face : Welcome Home, Son


'They toil not, neither do they spin.'

One morn before me were three figures seen,
With bowed necks, and joined hands, side-faced;
And one behind the other stepp'd serene,
In placid sandals, and in white robes graced:
They pass'd, like figures on a marble urn,
When shifted round to see the other side;
They came again; as when the urn once more
Is shifted round, the first seen shades return;
And they were strange to me, as may betide
With vases, to one deep in Phidian lore.

How is it, shadows, that I knew ye not?
How came ye muffled in so hush a masque?
Was it a silent deep-disguised plot
To steal away, and leave without a task
My idle days? Ripe was the drowsy hour;
The blissful cloud of summer-indolence
Benumb'd my eyes; my pulse grew less and less;
Pain had no sting, and pleasure's wreath no flower.
O, why did ye not melt, and leave my sense
Unhaunted quite of all but - nothingness?

John Keats